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Égalité des genres

#8Mars: Leadership des femmes et syndicalisme fort: perspective de l’enseignement supérieur

Publié 9 mars 2018 Mis à jour 11 janvier 2023
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Historiquement, la présence des femmes dans les universités a toujours été une exception. Ce n’est qu’à partir du 20e siècle que l’entrée des femmes dans les carrières universitaires a commencé à transformer de façon significative le paysage de l’enseignement supérieur. Toutefois, leur présence, à l’instar de leur participation au monde du travail non domestique, a toujours été - et reste aujourd’hui encore - marquée du sceau de l’inégalité structurelle propre à la société patriarcale.

Les premières filières d’études auxquelles ont accédé les femmes dans l’enseignement supérieur furent celles associées aux « services à la personne », plus facilement légitimées en raison du rôle social conféré au sexe féminin: l’enseignement et la santé.

Si les femmes sont parvenues aujourd’hui à accéder à toutes les disciplines et filières professionnelles, on observe la persistance d’une segmentation horizontale dans les parcours académiques: les femmes continuent à « choisir » majoritairement les carrières associées aux services à la personne.

Et lorsqu’elles optent pour des carrières où les hommes sont majoritaires, elles se tournent vers des spécialités « féminisées ». Aussi les avocates choisissent-elles plus volontiers le droit familial plutôt que le droit pénal, les femmes médecins la pédiatrie plutôt que la chirurgie.

La minorité de femmes qui occupent des fonctions dans ces domaines ont généralement traversé des situations très difficiles entraînant marginalisation, maltraitance et conditions extraordinaires pour faire reconnaître leurs capacités.

Le mérite est une illusion, la discrimination une réalité

Par ailleurs, y compris dans les disciplines où le nombre de femmes diplômées est supérieur à 50 %, celles-ci restent confrontées à un plafond de verre limitant leurs possibilités d’atteindre les postes à responsabilités dans le monde académique et professionnel, que ce soit dans les établissements d’enseignement supérieur ou autres, dans le secteur public ou privé.

S’il ne fait aucun doute que la détention d’un diplôme universitaire augmente les possibilités d’accéder à des emplois mieux rémunérés et assortis de meilleures conditions de travail, il est vrai également que, à qualifications égales, les postes occupés par les femmes n’offrent pas les mêmes avantages que ceux proposés aux hommes. Preuve incontestable de cette inégalité, la persistance de l’écart salarial entre les hommes et les femmes.

Au sein des établissements académiques, la présence des femmes est plus importante aux échelons hiérarchiques inférieurs et dans les domaines où les conditions de travail sont plus précaires. Leur nombre diminue de façon significative dans les instances décisionnelles des universités ou dans le cadre de la direction d’établissements, de laboratoires, de chaires ou de projets.

Pour bien faire, nous devrions plutôt nous intéresser de plus près aux nombreux et puissants mécanismes d’exclusion, de discrimination et de violence qui interviennent dans un système exclusivement organisé autour de critères récompensant impartialement les capacités et l’effort individuel pour stimuler la créativité scientifique et la pensée critique.

La méritocratie est en réalité une idéologie qui contribue à légitimer les inégalités. Le principe selon lequel les responsabilités individuelles sont attribuées en fonction des résultats jugés probants éclipse les conditions structurelles qui permettent ou empêchent d’atteindre ces résultats. Ignorant les inégalités au niveau des fonctions et des ressources matérielles ou symboliques sur lesquelles chacun(e) compte pour développer une activité, la méritocratie récompense ceux et celles qui tirent avantage de la différence.

Ce constat, valable également lorsqu’il s’agit d’analyser la reproduction des inégalités socio-économiques en général, nous permet de jeter un nouvel éclairage sur la question du genre dans le monde académique et de formuler une vive critique à l’égard des institutions qui, derrière leur apparence libérale, occultent et reproduisent un profond autoritarisme.

Egalité des genres, syndicalisme fort

Quelle est la situation des femmes dans les universités? Primo, les responsabilités domestiques et familiales restent considérées comme des tâches féminines. Les femmes sont donc censées déléguer leurs tâches, négocier ou postposer leurs projets si elles souhaitent concilier vie familiale et vie professionnelle. En conséquence, leur disponibilité (en termes de temps, énergie et attention) dans le cadre de fonctions exigeantes et compétitives demeure limitée, ce que ne connaissent pas les hommes. Secundo, les mécanismes de discrimination agissent plus ou moins en silence, mais mettent toujours en doute les capacités des femmes.

Obligées en permanence de faire preuve d’une performance supérieure, les femmes doivent le plus souvent prouver qu’elles sont à la hauteur des diplômes universitaires qu’elles détiennent, et qu’elles ne recourent en rien aux pouvoirs obscurs et sexués de « sorcières » qu’on leur attribue en permanence.

L’université est un espace où la concurrence croissante des nouvelles formes de travail académique s’appuie sur une structure hiérarchique traditionnelle justifiée sous l’angle de la méritocratie, favorisant d’innombrables situations d’abus de pouvoir, en ce compris la violence, touchant principalement les femmes.

Dans ce contexte, l’intégration de la dimension du genre aux programmes syndicaux est fondamentale pour lutter contre une forme inacceptable d’inégalité, devant être considérée comme une injustice en termes de conditions de travail et formant le point de départ d’une critique des formes d’organisation actuelles du travail académique, capable de contribuer à une transformation démocratique de l’enseignement supérieur

Ceci nécessite de mettre en œuvre une politique pour l’égalité des genres au sein des syndicats. Il importe aussi de sensibiliser la direction et les membres à ce problème et de définir des stratégies d’intervention syndicales: politiques de quota ou de parité pour les instances de gouvernance collégiale des universités, critères différenciés pour les évaluations dans le cadre universitaire, régimes égalitaires pour le congé parental, centre d’accueil de la petite enfance, protocoles institutionnels pour aborder les situations de violence fondée sur le genre, etc.

Mais il est également nécessaire de renforcer le leadership des femmes et d’éliminer les formes de violence et de discrimination qui réduisent les femmes au silence dans leurs propres organisations, afin de les rendre plus fortes, plus représentatives, plus démocratiques et mieux préparées à mener ce combat.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.