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Mondes de l'éducation

« Le sexisme est un problème dans toutes les écoles. Maintenant, il faut agir », par Sally Thomas

Publié 17 avril 2018 Mis à jour 24 avril 2018
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En décembre 2017, le National Education Union (NEU) et UK Feminista ont publié un rapport révolutionnaire sur le sexisme à l'école, intitulé: It’s Just Everywhere (Il est partout) [1].

Ce rapport(en anglais) montre que le harcèlement sexuel, le langage et les stéréotypes sexistes sont monnaie courante au sein des écoles.Plus d'un tiers des jeunes filles scolarisées dans des établissements mixtes ont déclaré avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel à l'école et près de 25 % ont déclaré avoir subi des attouchements non désirés de nature sexuelle. En outre, 25 % des enseignant(e)s de l’enseignement secondaire observent au quotidien des stéréotypes liés au genre et sont témoins de discriminations. Dans les écoles primaires, ce taux dépasse les 30 %.

Le fait que ces comportements et ce genre d’attitude soient observés régulièrement, parfois même tous les jours et « partout », les rend normaux et acceptables aux yeux de nombreux jeunes. Comme l'un(e) des enseignant(e)s l'a fait remarquer: « C'est l'effet papillon des comportements sexistes anodins qui cause le plus de dégât ». Interrogées sur le harcèlement sexuel et les comportements sexistes, les jeunes filles ont répondu « c’est comme ça, c’est tout », et « les garçons pensent que c’est normal de toucher les filles quand ils le veulent ». Ces déclarations choquantes et bouleversantes ont de graves conséquences pour les enfants et les jeunes.

Il est tout à fait inacceptable que les garçons pensent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent avec le corps des filles sans leur consentement et sans aucune conséquence.Cette attitude nuit aux jeunes filles, tant sur le plan physique que psychologique. En effet, les étudiant(e)s et les enseignant(e)s interrogé(e)s dans le cadre de notre rapport expliquent comment les jeunes filles apprennent à « occuper moins d’espace », en longeant les couloirs et en allant se placer au fond de la cour de récréation ou de la salle de classe pour se rendre moins visibles. En outre, le fait que les stéréotypes liés au genre persistent dans les écoles est particulièrement préoccupant. En effet, ils perpétuent des idées nuisibles et très réductrices sur la manière dont la société conçoit l'homme et la femme. Souvent, ces stéréotypes légitiment des comportements qui portent à croire que le harcèlement sexuel est quelque chose de normal. Ces stéréotypes sont donc néfastes non seulement pour les filles mais aussi pour les garçons, car ils nous enferment dans un carcan, nous dictent qui nous avons le « droit » d’être et le respect que nous devons porter à ceux/celles qui sont différent(e)s. Qu’il s’agisse d’un(e) enseignant(e) ou d’un(e) étudiant(e) demandant à quelqu'un d’autre de « se comporter comme un homme » ou « d’arrêter de pleurer comme une fille », il faut absolument lutter contre ces stéréotypes et les qualifier comme il se doit: sexistes.

Que doivent faire les écoles pour en finir avec ces attitudes et ces comportements si profondément enracinés? Tout d'abord, le NEU pense que les établissements scolaires doivent adopter une approche globale de l’école. Quelle que soit la stratégie choisie, celle-ci doit encourager les étudiant(e)s, garçons et filles, à dénoncer et à remettre en cause le sexisme. Elle doit renforcer suffisamment leur confiance pour les inciter à rapporter tout incident à leur enseignant(e). En effet, notre rapport montre qu’à l’heure actuelle seulement 14 % des étudiant(e)s ayant été victimes de harcèlement sexuel l’ont signalé à un(e) enseignant(e). La stratégie choisie doit permettre aux étudiant(e)s d’être écouté(e)s, de prendre leurs inquiétudes au sérieux et de s’inspirer de leurs expériences pour parler du sexisme et du harcèlement sexuel en classe et tout au long de leur scolarité.

Inciter les enseignant(e)s à prendre des mesures pour lutter contre le sexisme est tout aussi crucial. Quelles sont les stratégies de prévention efficaces? Comment mettre à profit les activités proposées en classe et en-dehors des heures de cours pour lutter contre les messages sexistes diffusés par les chansons, les films et autres produits de la culture populaire? Quelles politiques scolaires peuvent contribuer à endiguer réellement le sexisme et le harcèlement sexuel?

Nous pensons également que les enseignant(e)s ont le droit de bénéficier de formations professionnelles de qualité pour lutter contre le sexisme et mettre fin aux stéréotypes liés au genre. Dans notre rapport, de nombreux/euses enseignant(e)s ont en effet expliqué qu’ils/elles se sentaient mal préparé(e)s et manquaient de soutien pour combattre le sexisme. Parmi les personnes interrogé(e)s, seul(e) un(e) enseignant(e) sur cinq a déclaré avoir reçu une formation pour reconnaître et lutter contre le sexisme au cours de sa formation d’enseignant(e) et seulement 22 % des enseignant(e)s de l’enseignement secondaire ont suivi un programme de formation continue. Le NEU souhaite collaborer avec ses affiliés pour pallier ces manques. Nous avons déjà préparé divers supports pour les écoles primaires dans le cadre de l'action Breaking the Mould(Briser le carcan), qui explique comment utiliser les livres et la lecture pour réduire les stéréotypes liés au genre. Toutefois, les gouvernements doivent également s’assurer que les établissements scolaires disposent des outils, des ressources et de l'aide nécessaires pour faire face à ce problème.

Et ensuite?

Pour lutter contre le sexisme, la plupart des enseignant(e)s de l’enseignement primaire et secondaire suggèrent qu'il faut d'abord en avoir conscience, autrement dit reconnaître que le sexisme est un problème et qu’il faut y remédier. C'est ce principe qui a initié le travail du NEU pour lutter contre le sexisme à l'école. Nous avons encouragé nos affiliés à commander une copie du rapport ainsi que nos autocollants anti-sexisme et à les distribuer au sein de leur établissement scolaire. Nous avons également encouragé nos affiliés à sensibiliser leurs collègues au sexisme et à son caractère néfaste, lors des réunions du personnel ou des journées pédagogiques.

Jusqu’à présent, nos membres se sont montré(e)s enthousiastes et déterminé(e)s à combattre le sexisme. Une grande partie du personnel scolaire (ainsi que des organisations du troisième secteur et des député(e)s) discutent et publient des posts sur Twitter au sujet du rapport et de l'importance de lutter contre le sexisme dans les écoles. En outre, nous avons distribué à nos affiliés des milliers de copies de nos ressources consacrées au sexisme. Une enquête éclair a montré qu’une école sur cinq avait promu les femmes et leurs droits cette année à l’occasion de la journée internationale de la femme.

Nous tenons à rassembler nos affiliés pour discuter de leurs expériences en matière de sexisme, et pour que cette activité collective puisse donner des idées aux enseignant(e)s et leur fournir des stratégies d’action contre le sexisme. Le 17 mars, j’ai eu l’occasion de participer à une conférence organisée par les affiliés sur la lutte contre le sexisme dans les écoles. Cet événement était incroyable, et plus d'une centaine d’enseignant(e)s et d’étudiant(e)s y ont participé. Des ateliers étaient organisés autour de différents thèmes, comme « encourager les jeunes à combattre le sexisme » ou « lutter contre le sexisme aux côtés des garçons et des hommes ».

Il ne s’agit que du commencement d’un engagement à long terme pris par le NEU pour agir contre le sexisme et le harcèlement sexuel dont sont victimes les étudiant(e)s et les enseignant(e)s.En avril, lors de notre conférence annuelle à Brighton nous avons justement adopté une motion à ce sujet, preuve que nos affiliés souhaitent que la lutte contre le sexisme soit une priorité pour le syndicat.

Nous espérons que nous continuerons à travailler avec nos affiliés, les établissements scolaires, le gouvernement et d’autres organismes scolaires afin de développer une approche globale de l’école pour agir contre le sexisme. Nous savons que le sexisme est présent dans chaque école, il incombe désormais à tout le personnel éducatif de prendre des mesures concrètes.

[1] Le rapport It’s Just Everywhere est disponible (en anglais) ici.

Pour plus d’informations sur les ressources du NEU pour lutter contre le sexisme (en anglais): https://www.teachers.org.uk/equality/equality-matters/sexism-in-schools

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.